Les Communautés d’Apprentissage Professionnelles au service du développement des enseignants

Les organismes internationaux, les chercheurs, les acteurs politiques et les responsables des systèmes éducatifs affirment tous la place centrale de l’établissement scolaire en le considérant comme un échelon de mise en œuvre des politiques, mais aussi comme un nouvel espace de formation des enseignants. Si le constat semble partagé, peut-on pour autant considérer les établissements scolaires comme des organisations apprenantes ?

Une dynamique d’apprentissage pour l’établissement

En 2003[1] déjà, l’OCDE publiait un rapport appelant les écoles à devenir des organisations apprenantes, postulant des enseignants capables de réfléchir ensemble, d’analyser leur pratique et de produire collectivement des réponses originales aux problèmes. Dans une organisation telle qu’un établissement scolaire, chaque enseignant organise une partie de son travail. C’est même une particularité de ce que nous considérons comme le professionnalisme enseignant. Toutefois, au niveau de l’organisation générale, les équipes de direction ont un rôle particulier dans la définition du travail des autres : elles prescrivent et structurent en partie les tâches des enseignants et permettent à chacun de juxtaposer son travail à celui des autres. Dans ce cadre et en acceptant que les directions sont également appelées à exercer un leadership pédagogique pour influencer les pratiques pédagogiques, il me semble qu’elles ont un rôle à jouer pour organiser les conditions de travail permettant aux enseignants d’évoluer vers de nouvelles formes de collaboration et notamment vers des communautés professionnelles d’apprentissage. Il s’agit bien de travailler à l’échelle de l’établissement, en mobilisant l’ensemble des professionnels vers un projet collectif.

Des Communautés d’apprentissage dans les établissements scolaires

Dans cette perspective de développement des établissements, les Communautés d’Apprentissage Professionnelles (CAP) présentent une réelle opportunité dans le sens où elles interviennent non seulement sur l’investissement des enseignants, en utilisant le collectif, mais aussi et surtout sur l’amélioration des prestations qui ont une influence directe sur les apprentissages. Ainsi, les CAP présentent cinq caractéristiques majeures[2] :

  1. une vision, des croyances et des valeurs communes ;
  2. un leadership partagé qui s’exprime par un soutien constant de la direction et par un engagement réel de chaque enseignant ;
  3. une priorité accordée à l’apprentissage des élèves en acceptant que chacun est en apprentissage face à cet enjeu central ;
  4. des conditions physiques et humaines qui rendent efficace le travail collaboratif ;
  5. le partage des pratiques et une réflexion sur ces dernières qui amènent à revoir les pratiques pédagogiques à la lumière des connaissances les plus récentes et des données récoltées auprès des élèves.

Une démocratie collaborative professionnelle

Dans le domaine des entreprises privées, de grandes firmes nomment ces nouvelles formes de travail une « démocratie collaborative professionnelle du savoir ». Elles semblent, selon leur propre analyse, particulièrement efficaces en termes de production de nouveaux savoirs, de révélation d’expertises nouvelles et de diffusion de nouvelles pratiques. Une telle vision traduit à l’émergence de nouveaux modes de coopération, d’échanges, de partages de savoirs et de pratiques entre « pairs ». Ces modalités de travail collectif sont alors génératrices d’intelligence collective en dehors des lignes hiérarchiques. Dans le monde éducatif, les CAP pourraient correspondre à une vision distribuée du leadership qui vise à développer des pratiques pédagogiques adaptées au besoin des élèves et offrant des solutions optimales pour leur progression.

Une autonomie collective des enseignants

Donner de l’autonomie aux établissements scolaires, c’est aussi redonner des marges de manœuvres aux enseignants. Mais attention pas aux enseignants pris comme une juxtaposition de professionnels à qui ont redonnerait du pouvoir en tant qu’individu. Non, nous sommes pour redonner des marges de manœuvres aux collectifs d’enseignants, accorder de la confiance aux équipes pour qu’elles se saisissent collectivement des enjeux présents dans leurs pratiques. Laissons les équipes élaborer des réponses diversifiées et des outils adaptés à leur contexte.

L’existence de dispositifs tels que les CAP en éducation pourrait s’articuler pleinement avec les évolutions du paysage éducatif suisse romand et avec les mouvements d’autonomisation des établissements. Une telle organisation me semble aussi s’inscrire dans cette dynamique de mise en œuvre de nouveaux principes de gouvernance qui, à certaines conditions peuvent renforcer la professionnalisation des acteurs. C’est là un espace pour que les enseignants participent à la création de centres d’intelligence pédagogique en traduisant notamment l’un des principes fondamentaux des établissements apprenants[3].

Références

[1] OCDE (2003). L’école de demain. Réseaux d’innovation. Vers de nouveaux modèles de gestion des écoles et des systèmes.  Paris, France : OCDE.

[2] HORD, S. M. et SOMMERS, W. A. (2008). Leading Professional Learning Communities: Voices from Research and Practice. Thousands Oaks, CA : Corwin Press.

Leclerc, M. et Labelle, J. (2013). Au coeur de la réussite scolaire : communauté d’apprentissage professionnelle et autres types de communautés. Education et francophonie, 412, 1-9.

[3] Bouvier, A. (2014). Vers des établissements scolaires apprenants. Perspective pour la conduite du changement. Futuroscope, Paris : Canopé Editions.