Le leadership pour l’innovation au sein des établissements scolaires

Au niveau des politiques et de la recherche, l’établissement s’impose comme un lieu clé de la mise en œuvre des changements et de l’innovation au service du système. Le postulat qui sous-tend une telle évolution consiste à penser que les solutions seront mieux adaptées au contexte si elles sont prises au niveau local. Pour les établissements de formation, cela se traduit concrètement par un renforcement de leur autonomie. Aujourd’hui, les cadres scolaires doivent non seulement être des managers au sens de maintenir le cadre et gérer l’établissement, mais aussi et surtout l’animer, lui donner vie, en exerçant un leadership sur les collectifs enseignants et sur les pratiques pédagogiques.

Un système éducatif en mouvement

Nous entendons un peu partout qu’il faut réformer nos systèmes, introduire de nouvelles organisations en vue d’une meilleure efficacité ou en vue d’une amélioration des pratiques existantes avec le souci d’une meilleure efficience. Pratiquement tous les systèmes éducatifs occidentaux sont entrés dans une phase de transformation afin de s’adapter à la nouvelle économie du savoir, aux changements technologiques, aux mutations du marché du travail et aux évolutions du monde de la formation.

Avec toutes ces transformations, l’école peut apparaître comme une institution ouverte sur le changement, une organisation bouillonnante. Pourtant, l’apparition toujours plus importante de dispositifs pour gérer des spécificités locales autorise le système à continuer à faire comme avant. Plutôt que de reprendre l’organisation du travail à l’école, nous préférons penser de nouveaux dispositifs pour gérer tel ou tel aspect sans engager une réflexion systémique sur le fonctionnement de l’institution. Nous bricolons l’école comme nous colmaterions une fuite d’eau, sans pour autant revoir l’étanchéité générale ou même la forme du contenant.

Prendre en compte et soutenir les enseignants

Comme acteurs de l’établissement, les enseignants jouent un rôle fondamental dans l’amélioration du fonctionnement de l’école. Mais cette amélioration va appeler par la force des choses des changements. Or, nous savons que tout changement est d’abord une expérience personnelle et un processus d’apprentissage qui prend du temps. Il est donc peu opportun de se cantonner à appliquer des techniques et des outils de gestion de l’innovation. Il importe au moins tout autant de prendre en considération les conditions de travail des enseignants, leurs préoccupations et leurs questionnements comme des éléments importants dans le processus du changement. Et, lorsque nous parlons de conditions de travail, il ne s’agit pas seulement des conditions matérielles et des ressources mises à disposition. Au contraire, il apparaît dans l’ensemble de nos échanges avec les équipes de direction de Suisse romande qu’un soutien actif et visible est primordial dans la reconnaissance attribuée aux enseignants vivant des phases de transition. Car à priori, des changements n’apparaîtront pas forcément comme une nécessité pour les acteurs. Cette nécessité devrait pouvoir se construire pour chaque individu. Une perspective intéressante peut être de réfléchir à la plus-value qu’une innovation apporte en termes de développement professionnel et personnel pour les enseignants. En effet, très souvent nous oublions que les facteurs premiers de résistances sont l’absence de sens au changement proposé et le manque de soutien actif au processus de changement.

Le changement : un processus à installer

Un changement n’est pas une modification structurelle à apporter. Il s’agit bien plus d’un processus qui impacte de nombreux aspects des usages courants et des habitudes, un processus à construire, à installer et à consolider. Nous avons souvent vu des changements esquissés ou même installés qui se sont effrités, faute de soutien à moyen terme et de ressources pour les consolider et les pérenniser dans l’organisation. Ainsi, tout changement au sein d’un établissement devrait impérativement prendre en compte l’histoire de cet établissement et notamment les expériences précédentes d’innovation, le climat de l’établissement au sens de la qualité des relations entre enseignants et avec la direction, la capacité de coopération professionnelle déjà installée et le niveau de participation aux différents projets d’établissement. Face à cette complexité, nous avons besoin non seulement d’innovateurs mais aussi et surtout de leaders capables d’insuffler de la vie et d’animer les équipes enseignantes qui affrontent changements et évolutions de leurs pratiques.

Si nous souhaitons qu’au cœur de chaque établissement le changement devienne permanent, peut-être pourrions-nous simplement commencer par identifier ce qui se fait et surtout comment cela se fait. Car bâtir la capacité à changer auprès des professionnels d’un établissement et au sein des institutions de formation appelle nécessairement à capitaliser les ressources, leviers et facteurs favorables au changement et à apprendre des expériences pour que les éléments pertinents dans la gestion et le soutien effectif puissent rester accessibles et mobilisables dans les projets à venir.

Un leadership pour l’innovation

Pour construire l’école de demain, l’enjeu est d’accorder assez d’autonomie aux établissements et aux enseignants pour qu’ils puissent chercher ce qui fonctionnera dans des conditions nouvelles et toujours particulières. De plus, accepter que l’amélioration de l’école procède d’avantage d’innovations permettant des petits progrès successifs que de changements radicaux reste un postulat fondamental. Il s’agit en quelque sorte de continuer à innover en s’adaptant aux changements qui viendraient des politiques et en les exploitant comme des leviers pour avancer. La recherche montre également que les équipes innovantes sont dans une considération de tout changement comme une source d’opportunité et d’apprentissage. Ces notions semblent toutefois encore difficiles à faire passer dans les établissements scolaires et auprès de certains enseignants.

Il faudrait aussi que nous puissions bénéficier de leaders pour l’innovation dans chaque établissement et à plusieurs niveaux. Le leader de demain devra probablement avoir des antennes, capables de capter les signaux faibles des tendances à venir, les enjeux de fond qui se dessinent en coulisse et sentir ce que les systèmes eux-mêmes dissimulent parfois pour ne pas être obligés de changer. Les priorités d’un leader pédagogique pourraient être centrées sur deux axes forts : stimuler pour faire germer les idées et soutenir l’innovation à la fois auprès des enseignants engagés et des équipes de direction pour leur permettre d’exister.

Il pourrait alors être de la responsabilité des équipes de direction de mettre en place des conditions favorisant l’émergence d’équipes apprenantes et de leaders positifs dans l’innovation pédagogique.

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